Paris aux mille visages

Geneviève Loiselle, « Paris aux mille visages », Impact Campus, vol. 22, no 8 (le mardi 23 octobre 2007), p. 20. (Exposition Paris 1900, MNBAQ, du 4 octobre 2007 au 6 janvier 2008.)

Jusqu’au 6 janvier 2008, le Musée national des beaux-arts du Québec présente une magnifique exposition qui témoigne de la variété des collections du Petit Palais. Paris 1900 regroupe quelque 140 œuvres – tableaux, sculptures, aquarelles, gravures, photographies et objets d’art décoratif — qui sont autant de témoins de la liberté créatrice qui caractérise la Belle Époque.

Présentée sur deux salles, l’exposition oppose deux réalités de la vie sociale à Paris vers 1900. D’un côté, le Paris mondain, où le luxe et les plaisirs s’affichent en d’innombrables formes et objets; de l’autre, le Paris populaire où la dure réalité des moins nantis devient source d’inspiration pour des artistes « à la fibre plus sociale ».

En une vingtaine de visages, on fait d’abord la rencontre de la Parisienne, la femme symbole d’élégance qui devait faire tourner les têtes du Tout-Paris grâce à ses somptueuses parures. La Femme aux gants de Charles Giron montre l’allure assurée de cette femme du monde à la robe noire richement décorée de dentelle. Le coup de pinceau de l’artiste rend bien les textures des tissus; les arabesques végétales peintes à l’arrière-plan y faisant agréablement écho. On retrouve la même richesse des détails dans les trois peignes d’écaille, d’ivoire et d’émail des frères Vever. Réalisés d’après des modèles d’Eugène-Samuel Grasset, ces bijoux allient les traits de la femme aux formes de la nature. Au fond de cette première salle, ce sont les dessins des joailliers Pierre-George Deraisme et de René Lalique qui accrochent notre regard. Tandis que le premier rappelle les styles historisants avec ses chimères, ses dragons et ses angelots, le second fait preuve de plus d’audace dans l’agencement des formes.

L’imposante Sarah Bernhardt, avec son regard à la fois aguicheur et nonchalant capté sous les pinceaux de Georges-Jules Clairin, nous accueille dans la salle du Paris populaire. Vedette adulée du théâtre français de la fin du XIXe siècle et issue du milieu populaire, l’actrice est peinte ici sous ses plus beaux atours. Les petites marches judicieusement placées au bas de cet immense tableau expriment qu’elle « a réussi à force de talent et de volonté à se hisser au sommet de l’échelle sociale ». Derrière ce portrait, on découvre des artistes qui s’abreuvent au positivisme d’Auguste Compte, au réalisme de Courbet et au naturalisme de Zola.

Le sculpteur Aimé Jules Dalou manifeste la dignité des ouvriers par ses esquisses de terre cuite qui possèdent une impressionnante monumentalité malgré leur petite taille. Les gestes singuliers de ses terrassiers, paveurs et débardeurs, saisis en de vifs traits, suffisent à rendre « l’essence du travail ». Les tableaux de Fernand Pelez dévoilent pour leur part « l’envers du monde des artistes ambulants ». Derrière les riches coloris de ses Saltimbanques se cache une fadeur dans l’expression fatiguée des équilibristes, des clowns et des musiciens.

Érigé pour l’exposition universelle de 1900, Le Petit Palais devient, deux ans plus tard, le Musée des beaux-arts de la ville Lumière. Son architecture est évoquée par la mise en espace de l’exposition qui sied bien dans les salles décorées de moulures du bâtiment des Plaines. Soulignons finalement le remarquable travail du designer Denis Allison qui réussit, avec quelques touches d’humour, à non seulement recréer l’atmosphère de la Belle Époque, mais surtout, à rendre davantage manifeste le langage visuel des œuvres.